L’actualité sportive en Côte d’Ivoire est dominée ces dernières heures par la guéguerre entre le Ministre des Sports et le Président du COCAN concernant l’arrêté de nomination des nouveaux membres de la structure. Une discorde décryptée par l’ancien journaliste de la RTI avec des révélations à l’appui.
Je n’aurais sûrement rien dit de cette scène de théâtre mal agencée au COCAN s’il ne s’agissait pas de l’image de la Côte d’Ivoire. Sept (7) ans, après avoir obtenu l’organisation de la CAN, aucun stade n’est prêt, les villas sportives encore moins, les routes, les voies de circulation, les hôpitaux… Trois ministres en sept ans, toujours les mêmes bagarres. Si ton Camarade veut la CAN du troisième mandat, il sait ce qu’il faut faire. S’il continue de distribuer des cartes politiques, c’est lui qui voit aussi…
Le samedi 9 octobre 2021, un cadre de la Sodexam m’interpelle.
« Chef, votre affaire de coupe d’Afrique est compliquée. La CAF demande le prolongement de la piste d’atterrissage de l’aéroport de Korhogo de 2100 m à 3000 m. ».
Je lui dis juste :
« Ça s’appelle, organiser une coupe d’Afrique. Pas un festival de danses traditionnelles dans le Poro. »
Le lendemain, il me recontacte.
« Si nous devons exécuter le cahier de charges de la CAF, nous allons être obligés de dégager la forêt sacrée de Korhogo. »
La preuve qu’il y a encore beaucoup de choses à faire pour espérer tenir les délais de la CAN2023. Plus que 15 mois, pour mettre les petits plats dans les grands, pour relever le défi.
La guerre du COCAN
La tutelle en a sûrement conscience et veut aller vite. Le COCAN-nouveau aussi. Mais les vitesses d’exécution dans les deux camps sont différentes. Le ministère a demandé au président du Cocan de lui faire des propositions de noms conformément au décret de nomination. Échanges de courriers en juin. Rappel en septembre. Le troisième étage de la Tour Sogefia bouillonne. À Marcory-Résidentiel, siège du COCAN, les concertations pour cocher les noms des membres, traînent.
« Le problème, le président du COCAN veut garder les anciens membres. »,
dit une source introduite. La tutelle veut du neuf.
Le lundi 11 octobre 2021, à peine le match des Éléphants contre le Malawi vient de s’achever à Cotonou, que la nouvelle tombe : une note de service du ministre des Sports rend publique, la liste des vice-présidents du COCAN. Le ministre écrit : « sur proposition du président du COCAN ». La réaction des proches de l’ex-ministre des Sports, ex-ministre de la Ville, président du COCAN est fulgurante. « Le ministre fait du faux. Ce n’est pas possible à ce niveau. Il a le droit de faire de nommer les membres du COCAN, s’il le veut. Mais pas dire « sur proposition du président du COCAN ».
Une note confidentielle sur la place publique
Le lendemain, mardi 12 octobre, le président du COCAN recadre la tutelle. Dans une note confidentielle qui se retrouve très vite dans les inbox et sur les réseaux sociaux, il écrit : « … À en croire ce qui y est énoncé, les nominations auxquelles il est procédé seraient intervenues « sur proposition du président du COCAN. Un tel énoncé ne laisse pas de surprendre et procède d’une grave inexactitude… ». En boxe, on parle d’un uppercut.
Paralysie du COCAN
Dans les conditions actuelles, il est évidement que le COCAN est paralysé. Il ne peut pas être en guerre avec la tutelle et agir efficacement sur le terrain. Le COCAN n’est pas né ex-nihilo. Le président du COCAN est nommé par le ministère des Sports, sur proposition du président de la FIF. Le ministère des Sports lui-même, dépend de la Primature et de la Présidence de la République. En principe, si chacun respecte les règles du jeu, les rapports sont parfaitement lubrifiés.
Mais ici, nous sommes en Côte d’Ivoire. Chacun agit en fonction de sa proximité réelle ou supposée avec le Président de la République. Ton Camarade est du coup, la clé de voûte du système de gestion et de décision.
Pendant ce temps…
Pendant que les parkings se braquent, sur le terrain, les choses avancent beaucoup trop lentement. La Côte d’Ivoire est obligée de délocaliser les matches des Éléphants à Cotonou, au Benin. Mais elle n’est pas capable de demander aux autorités béninoises de transférer leurs expertises en matière de réhabilitation et d’entretien des pelouses et des enceintes sportives à Abidjan. Tout le monde fait focus sur la CAN2023 sans savoir les agissements actuels plombent l’organisation de la compétition.
La balle est dans le camp du Président de la République. En 2014, il voulait la CAN2019. Il a obtenu la CAN2021. Si sept (7) ans plus tard, son pays en est encore aux petites guerres de nomination des membres du COCAN et de positionnement, c’est à lui de faire une introspection et prendre les taureaux par les cornes.
La Côte d’Ivoire a connu la petite honte de la non-homologation des stades. Si elle continue dans le schéma actuel, elle aura la grande honte de la délocalisation de la compétition elle-même…
Fernand Dédeh