La place d’une Nation sur l’échiquier mondial du football peut se mesurer selon plusieurs critères : ses résultats sportifs, le nombre de ses joueurs formés au pays et évoluant dans les grands clubs européens, son histoire, son organisation, ses infrastructures, la présence au sein des instances internationales de décision (FIFA, CAF, UFOA…), le contrôle de clubs étrangers (comme l’ont fait le Qatar, la Chine…) …
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Malgré notre certitude d’être les meilleurs, sans prendre la peine de regarder ce qui se passe au-delà de nos frontières, nous tombons des nues lorsque la réalité nous montre que nous ne représentons pas grand-chose dans le Monde et l’Afrique du football. Que cela soit sur le plan des résultats sportifs (tant au niveau de l’équipe nationale que des compétitions continentales de clubs), de l’organisation (la mise en place d’un comité de normalisation montre bien notre incapacité à nous organiser convenablement), des infrastructures sportives (même si l’organisation de la CAN 2023 devrait nous permettre de rattraper un retard dans ce domaine) ou en ce qui concerne notre présence au sein des organes de décisions des instances internationales telles que la FIFA, la CAF ou l’UFOA (dans lesquelles nous sommes totalement absents. Pour preuve, même le siège de l’UFOA Zone B, basé à Abidjan depuis toujours, a failli nous être retiré récemment. Quelle pitié !!!).
La réalité est cruelle et nous comprenons qu’il soit parfois difficile de la regarder en face. Et c’est pourquoi l’on entend ses pourfendeurs crier à tort et à travers à l’injustice ou au complot, ce qui n’effraie d’ailleurs personne. Cependant, la vérité est simple : malgré ses innombrables talents et son immense potentiel, la Côte d’Ivoire a très peu de poids sur la planète du football africain et mondial.
Nous lisons çà et là de nombreux articles sur la récente élection à la Présidence de la Confédération Africaine de Football et sur les méthodes employées par le Président de la FIFA pour y installer « son homme » et exclure le candidat ivoirien de la course. Ces articles s’insurgent contre l’ingérence de l’institution mondiale (FIFA) vis-à-vis de l’institution continentale (CAF) en parlant de néo-colonialisme. Ce point de vue me semble bien naïf et traduit une mauvaise connaissance de la réalité du fonctionnement de ces organisations internationales dans lesquelles les décisions sont guidées par des valeurs et des considérations très particulières.
Le terme anglais « soft power » (traduisible en français par « la manière douce ») désigne la capacité d’un État à influencer et orienter les relations internationales en sa faveur par d’autres moyens que les armes (qui sont le hard power). La diplomatie, la coopération internationale, l’attractivité de la culture, l’organisation de manifestations sportives et culturelles, le rayonnement du modèle politico-économique et des valeurs sont autant de vecteurs du soft power.
Pour illustrer cette idée, je partage avec vous les propos d’un ami qui m’écrivait récemment que « le pouvoir ne se partage qu’avec ceux qui sont incontournables, qui pèsent et dont l’absence est une menace significative pour le succès que recherche le détenteur dudit pouvoir.
L’influence (régionale, continentale et mondiale) se pense, se construit, s’acquiert et se reconnaît au travers d’un pays dont l’image positive, le rayonnement, les idées, la qualité des hommes ainsi que leur positionnement dans divers secteurs d’importance contraignent les principaux acteurs du monde à rechercher une proximité, une collaboration, une alliance ou un soutien particulier de ce pays. Dans un monde en constante compétition multiforme, mais dans lequel l’interdépendance entre États est croissante, lorsqu’un État perd en influence et en attractivité, il n’est pas invité à prendre part aux cercles décisionnels de ceux chargés de dessiner l’avenir de l’Afrique et du monde ».
Si nous n’avons eu de cesse de critiquer les dirigeants de la FIF au cours des 10 dernières années, ce n’était encore une fois, pas pour un problème de personnes ou d’incompatibilité d’humeur. Il s’agissait bien d’un problème de fond que nous avons décelé très tôt. Ces dirigeants n’avaient aucune vision pour le football national dont ils avaient la charge (la victoire à la CAN 2015 dont on ne peut leur attribuer le crédit, ne peut, en aucun cas, masquer la réalité de l’état de notre football) ainsi que de la place de la Côte d’Ivoire dans le monde du football. Le résultat est sans appel !
Refaire de la Côte d’Ivoire un pays qui compte sur la planète football est un beau projet à construire au cours des 10 prochaines années. Le chemin sera long et semé d’embuches, mais le jeu en vaut la chandelle, pour notre jeunesse, pour notre pays et pour notre football.
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Maître Roger Ouégnin