‘‘Drogba est un cadeau tombé du ciel pour le football ivoirien’’, déclare cet ancien International

Comment vivez-vous le confinement obligé dû au Covid-19 depuis plus d'un mois ?

Écoutez, on n'a pas le choix. On est obligé de rester chez nous. Il y va de notre santé voire de vos vies. On est obligé de suivre et respecter les mesures barrières édictées par les autorités politiques et les professionnels de la santé de France. C'est seulement en nous conduisant comme ça que nous allons nous porter bien.

Comme tout le monde, votre quotidien a sans doute été bouleversé en raison de cette crise sanitaire. Comment le meublez-vous ?

Déjà je connais un gros souci au niveau du sommeil. Moi-même je suis dérangé et son sommeil déréglé. Mais j'en profite tout de même pour faire le ménage, le repassage et surtout du sport dans le quartier en compagnie de mon épouse qui apprécie bien ces moments. Là, j'avoue que je me découvre des qualités de coureur. Ce que je ne faisais pas quand j'étais footballeur professionnel.

Vous êtes sérieux là ? Et pourtant vous avez fait plus 20 ans de carrière

Si je suis sérieux. Et je suis lucide quand je le dis.

Et pourquoi n'aimiez-vous pas courir ou faire du footing ?

Pour rien du tout. C'était simplement de la paresse. Pour ça j'ai eu pas mal d'ennuis avec plusieurs de mes entraîneurs. J'avais le même problème que l'ancien international camerounais, Patrick M'boma. Lui aussi n'aimait pas courir à tout moment. Mêmes les gardiens de but étaient meilleurs que moi au footing. Moi je ne m'appuyais que sur mes qualités techniques. Je ne faisais pas trop d'effort. Sur un match de 90 mn, j'en disputais 40 à fond. Et puis, le reste je les gerais à ma guise. J'avoue que j'aurais pu être un grand joueur au lieu du bon joueur doué techniquement que j'ai été. Je l'avoue.

Il y a quelques années j'ai été à Montpellier avant la mort de Nicollin. Il m'a dit que par moments il voulait me mettre une claque. Mais il ne voulait pas qu'on l'accuse d'avoir frappé un noir. Il m'a dit que j'avais des qualités techniques qu'aucun joueur de l'effectif de Montpellier n'avait. Mais des qualités que je n'exploitais qu'au strict minimum. Ça m'a fait réfléchir. Mais c'est du passé qu'on laisse au passé.

Dans un entretien lointain vous vous disiez déçus des dirigeants du football ivoirien. Quel est le problème ?

 Ils ont laissé le football ivoirien s'appauvrir. Pas forcément au plan financier. Au niveau des infrastructures et des hommes. Il n'y a pas très longtemps j'étais au pays. J'ai vu où s'entraîne le Stella club d'Adjamé, mon ancien club. J'ai eu mal. Les bras en sont tombés.

Côté finances, notre pays a disputé trois Coupes du monde en 2006, 2010, 2014. Qu'a-t-on fait des retombées de ces compétitions ? Pour moi ces dirigeants ne respectent pas cette discipline. Ils ont plus profité du football qu'ils en ont donné à ce sport. Ils n'ont pensé qu'à leurs panses et leurs poches. Ils n'ont pas songé aux footballeurs, les vrais acteurs. Ceux-là même qui leur permettent d'avoir tout ce qu'ils ont. Voyez-vous combien d'anciens footballeurs sont et meurent pauvres. C'est scandaleux.

Ils n'ont pas quand même tout faux on va dire. Il y a des aspects qu'on peut juger positif non ?

Oui quand même. Un monsieur comme Anouma a apporté un peu côté finance de par sa position à l'époque surtout. Il a aussi mis quelques petites infrastructures en place. Mais cette flamme n'a pas été entretenue. Un Monsieur comme Roger Ouegnin est un exemple mais il n'est pas à la fédé.

N'est-ce pas pour vos prises de ce genre qu'on vous traitait de grande gueule avec les Éléphants à l’époque ?

Il se passait tellement de choses bizzares que je ne pouvais pas me taire. En fait, moi je disais les choses telles que je les voyais. Comme je l'entendais. Je ne peux voir blanc et dire que c'est rouge.

N'est-ce pas pour cela que vous vous êtes embrouillé avec le président Simplice Zinsou dans le temps ?

Oui, parce que je lui avais dit que ce qu'il faisait n'était pas bien. De par sa position à l'époque il pouvait faire de l'Africa un grand club s'il le voulait. Le club s'entraînait au complexe de la Sotra. C'était un bon premier pas. Mais il avait les moyens de racheter ce complexe et le transformer au goût du club. Il ne l'a pas fait. Sur cet aspect, il faut que des dirigeants se renseignent auprès de l'Asec pour copier le bon exemple. Il n'y a pas de honte à cela.

Il vous voulait aussi à l'Africa ou pas ?

Oui !!! Mais il savait que c'était impossible. C'était lors de la Can 84. Il a fait le forcing. C'était irréalisable. J'avais trop souffert au Stella avant de rejoindre Montpellier pour revenir encore en Côte d'Ivoire. Mais bon, il était dans son rôle.

Vous avez vos diplômes d'entraîneur de foot, pourquoi n'exercez-vous pas sur le terrain ?

Déjà pour entraîner en France c'est compliqué quand tu es Africain. Tu peux le faire dans les petits quartiers, mais quand tu veux aller plus loin, on te remet à ta place. On aime bien Akenon, il y a déjà des gens qui sont là pour entrainer les clubs.

Le débat pour la présidence à la fédération ivoirienne de football est ouvert avec trois candidats déclarés pour l'instant. Il s'agit de Drogba Didier, Sory Diabate, Idriss Diallo Yassine. Quel jugement portez-vous sur chacun d'entre eux ?

Honnêtement je ne connais vraiment Sory Diabaté. Mais je sais qu'il est là depuis Jacques Anouma. Il a travaillé ensuite avec Sidy Diallo, sous lequel il a occupé d'importantes responsabilités. Si on part sur la base des mandats d'Anouma et Sidy, il est aux manettes depuis 16 ans au moins. Qu'est ce qu'il n'a pas fait ou proposé qu'il veut faire maintenant ? 16 ans n'ont pas suffi pour proposer de bons plans ? Je me pose juste la question.

Idriss Diallo, lui, je le connais bien. Il était là sous Dieng Ousseynou avant de revenir avec Anouma. C'est comme si moi Akenon je voulais encore signer à l'Asec. On m'aime bien mais on me dira c'est gentil. C'est vrai qu'il n'a pas encore dirigé comme président, mais que veut-il encore apporter de neuf au football ivoirien qu'il n'avait pas fait ? Pour moi il peut être un bon conseiller pour des jeunes.

Drogba Didier pour moi, est un cadeau tombé du ciel pour le football ivoirien. C'est du pain béni. On doit pouvoir en profiter. Ça n'engage que moi. Je ne connais pas. Je n'ai pas besoin de lui pour vivre. Mais ici, on parle football de notre pays. C'est ce qui nous lie. Il n'a fait et connait que ça, le football. Pour moi, il peut apporter beaucoup à cette discipline. Drogba est une chance à tous les niveaux pour le football ivoirien. Son aura, son rayonnement, son carnet d'adresses, ses propres moyens financiers et même au niveau éthique. Ce sont autant d'atouts dont le football ivoirien peut profiter. Pourquoi les présidents de clubs ne saisiraient-ils pas cette perche à eux tendue ?

Vous n'avez pas les contenus détaillés des programmes des candidats pour pouvoir les juger objectivement...

J'ai quand même une idée vague de leurs programmes que je ne peux pas détailler ici. Les programmes se ressemblent un peu puis qu'il s'agit du même football du même pays. Mais pour moi donner les moyens aux présidents de clubs pour les rendre autonomes, assurer les salaires des joueurs sur toute la saison, valent déjà mieux que mille discours. Et c'est ce que veut faire Drogba. Sans compter les formations des arbitres, entraîneurs et bien d'autres choses. Mais pour assurer tout cela, il faut des moyens conséquents. Parce qu'il ne suffit pas d'élaborer un programme sur papier pour plaire aux votants. Mais il faut trouver les moyens pour réaliser ses projets et promesses de campagne. C'est là que se situe la différence entre les autres candidats et Drogba.

Drogba vous a-t-il démontré ou prouvé ses sources de revenus ?

Sans qu'il me les démontre, quand il promet doubler toutes les subventions, un car à tous les clubs sans exception, pour moi ce n'est pas du leurre quand on sait l'étendue de ses relations à travers le monde dans le football et dans les affaires. C'est une chance que les responsables de clubs doivent saisir. J'ai même peut qu’ils le regrettent après.

Beaucoup d'anciens footballeurs estiment qu'il manque pour l'instant d'expérience pour diriger la fédé.

C'est normal. C'est leur droit. Je prends l'exemple du jeune Bonaventure Bakou que je trouve brillant. Quelle expérience municipale avait-il quand il se faisait élire comme maire de Vavoua ? Il est arrivé avec son aura d'ancien footballeur. Et ça l'a aidé. Les exemples foisonnent. Ils ne sont pas obligés de suivre Drogba. Mais je souhaite qu’ils voient plutôt ce que Drogba compte faire pour le football ivoirien au lieu d'évoquer son inexpérience qui n'est pas fondée non plus.

Propos recueillis Tibet Kipré